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La danse au Festival d’Avignon 2018

Thomas Hahn 9 juillet 2018
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"Kreatur" de Sasha Waltz © Sebastian Bolesch

Avec Rocío Molina, Emanuel Gat et Raimund Hoghe, trois chorégraphes des plus avisés réservent au Festival d’Avignon 2018 les premières mondiales de leurs nouvelles créations. Avec Sasha Waltz, Jan Martens, Phia Ménard, François Chaignaud et Mickaël Phelippeau, d’autres écritures radicales ponctuent cette édition.

La danse n’est pas au centre de cette 72e édition, mais chaque pièce invitée au Festival d’Avignon vaut le détour. Il y a des valeurs sûres et des trublions, des adeptes d’une écriture chorégraphique complexe et mouvementée (Emanuel Gat, Sasha Waltz), des adeptes de la déconstruction, parfois humoristique (Martens) et parfois caustique (Ménard, Chaignaud) et d’autres qui pratiquent l’art du portrait et partagent leurs émotions (Hoghe, Phelippeau) et partent de la musique avant tout (Molina, Hoghe, Gat). Certains sont ici également proches des arts plastiques (Ménard, Waltz).

“Grito Pelao” de Rocio Molina © Pablo Guidali

6-10 juillet : Rocío Molina

Elle est la Pasionaria et la révolutionnaire féministe du flamenco. Pourtant, les femmes s’y sont  toujours affirmées, bien plus que dans le ballet, par exemple. Mais Molina fait de son identité de femme le sujet de sa nouvelle pièce. Désirer être mère alors qu’elle aime les femmes. Elle place ainsi le flamenco au cœur des enjeux de la cité. Et sa mère l’accompagne, sur scène, pour un duo familial sous l’égide d’une chanteuse, complices et accompagnées d’un quatuor de musiciens. Tout amateur de flamenco qui connaît l’irrévérence et la passion de Molina salive déjà à l’idée de ce « Grito Pelao ».

-> Cour du lycée Saint-Joseph, 22h

 

7-14 juillet : Sasha Waltz et François Chaignaud

Cheffe de file de chorégraphes berlinois, un temps codirectrice de la Schaubühne avec Thomas  Ostermeier et aujourd’hui directrice de son propre lieu, cette exploratrice des possibilités du corps  humain s’est associée à la styliste Iris van Herpen, fortement impliquée dans la révolution technologique de nos habitudes vestimentaires. Les costumes de « Kreatur » sont de véritables sculptures qui protègent, cachent et révèlent le corps. Voilà donc l’association danse et fashion du moment !

-> Opéra Confluence, 18h

“Kreatur” de Sasha Waltz © Sebastian Bolesch

On peut enchaîner, dans la même soirée, avec « Romances inciertos, un autre Orlando » de François Chaignaud (chorégraphie et interprétation) et Nino Laisné (mise en scène, direction musicale), porté par quatre musiciens (bandonéon, théorbe/guitare baroque, violes de gambe, percussions). Les explorations trans-genre de cet artiste libre-penseur et figure phare du renouvellement de la scène artistique remettent constamment en cause nos conceptions du genre et du spectacle. On y croise « Doncella Guerrera, figure médiévale qui nous emmène sur les traces d’une jeune fille partie à la guerre sous les traits d’un homme, le San Miguel de Federico Garcia Lorca, archange voluptueux et objet de dévotion, et la Tarara, gitane andalouse, mystique, séductrice, portant le secret de son androgynie. » De quoi revoir « Grito Pelao » de Rocío Molina sous un autre angle.

-> Cloître des Célestins, 22h

“May he rise…” d’Ali Chahrour © Laurent Philippe

Du 14 au 17 juillet : Ali Chahrour

Chorégraphe libanais hautement intéressant, Ali Chahrour place ici les rituels chiites sous un regard contemporain, dans un requiem tumultueux  autour des douleurs et mythes de la société arabe. Où une mère doit supporter la mort de son propre fils, où la prestation de Chahrour dans ce rôle est tout simplement bouleversante. Dans l’hémisphère arabe, la nudité partielle de la pleureuse pourrait choquer. Elle génère cependant une force symbolique et scénique qui se transforme en signe de rébellion et de lutte. Quand Chahrour met en scène cette proposition de nouveau rituel, l’acuité et la précision de sa démarche incarnent le respect et la profondeur des racines.

-> Théâtre Benoït-XII, 15h

17 au 19 et 22 au 24 juillet : Raimund Hoghe

D’abord une reprise, ensuite une création mondiale: Les adeptes de l’ancien dramaturge de Pina Bausch ne manqueront à aucun des deux rendez-vous. « 36, avenue Georges Mandel » est son  magnifique hommage, ultra-sensible et émouvant de bout en bout, à Maria Callas. Car pour Hoghe, grand mélomane romantique, vénère la musique tant  qu’elle est porteuse d’émotions.

-> Cloître des Célestins, 21h30 (17 au 19)

“Canzone per Ornella” de Raimund Hoghe © Rosa Frank

On retrouve la veine de cet  ancien journaliste et dramaturge de Pina Bauch, dans sa nouvelle création mondiale: « Canzone per Ornella ». Où il rend hommage à Ornella Balestra, son interprète  phare féminine qui a irradié ses plus grandes créations grand format. Il n’y a que la nébuleuse d’artistes chorégraphiques et théâtraux autour de Hoghe pour donner une image d’ensemble comme elle s’est créée autour de Pina Bausch, à Wuppertal, dans la mise en valeur totale de chaque personnalité d’interprète.

-> Cloître des Célestins, 21h30 (22 au 24)

“Saison Sèche” de Phia Ménard © Jean Luc Beaujault

17 au 24 juillet : Phia Ménard

Phia Ménard vient du jonglage et créé des spectacles très engagés, dans lesquels résonnent toujours les désarrois d’un homme qui se vivait en femme, et qui en faisait le mobile  et le sujet de ses créations, jusqu’à sa transition physique vers le féminin. Ce point de vue très aiguisé sur le monde s’exprime aussi dans « Saison Sèche », où huit femmes mettent en question l’ordre du monde patriarcal et les normes du spectacle vivant. Mais aussi nos représentations du féminin et du masculin. Car Phia Ménard n’a pas froid aux yeux et ne cherche pas le compromis facile.

L’Autre Scène, Vedène, 18h

“Story Water” d’Emanuel Gat © Julia Gat

19 au 23 juillet : Emanuel Gat & Ensemble Modern       

Emanuel Gat étudiait la musique en son Israël natal et voulait devenir chef d’orchestre, avant de commence à danser dans la compagnie de Liat Dror et Nir Ben Gal, grande pépinière de la danse contemporaine en Israël. Dans « Story Water » il travaille pour la première fois avec un chef d’orchestre et un ensemble de musiciens, ceux de l’Ensemble Modern de Francfort, pionniers du spectacle scénique musical. Sur les partitions très physiques de « Dérive 2 » de Pierre Boulez et « Fury  II » de Rebecca Saunders, les danseurs déclenchent leurs propres tempêtes, avant de  se détendre sur des musiques et danses traditionnelles, remixées par Gat et les musiciens.

Cour d’Honneur du Palais des Papes, 22h

21 au 24 juillet : Jan Martens & Mickaël Phelippeau

« Ode to the attempt » est le solo fondateur du Belge Jan Martens. Il y interroge, avec beaucoup d’autodérision, son travail et celui de tous les chorégraphes qui  essayent de créer une œuvre. Depuis cet autoportrait caustique, il a fait une carrière fulgurante. Mickaël Phelippeau a choisi la couleur jaune citron comme son emblème et navigue entre un travail chorégraphique, photographique et performatif. Dans « Ben & Luc », il travaille avec deux danseurs venant de Ouagadougou qui témoignent chorégraphiquement de leur vie, de leur travail et de leurs relations humaines. Les deux spectacles sont programmés en alternance et vont ici se refléter l’un dans l’autre.

CDCN Les Hivernales, 18h30

Thomas Hahn

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